J'ai vu dans la collection de M. Stokes un bel exemple de cette structure dans un specimen d'obsidienne du Mexique, nuance et zone comme la plus belle agate, de nombreuses couches droites et paralleles, plus ou moins blanches et opaques ou presque parfaitement vitreuses; le degre d'opacite et de vitrification dependant de l'abondance plus ou moins grande de vacuoles aplaties microscopiques. Dans cet exemple il semble certain que la masse a laquelle appartenait le fragment a ete soumise a quelque action, vraisemblablement prolongee, qui a determine une legere difference de tension entre les plans successifs.

Plusieurs causes paraissent pouvoir provoquer la formation de zones d'inegale tension dans des masses a demi liquefiees par la chaleur. J'ai observe dans un fragment de verre devitrifie des couches de spherulites qui, d'apres la maniere dont elles etaient brusquement recourbees, semblaient formees par une simple contraction de la masse dans le vase ou elle s'etait refroidie. Pour certains dikes de l'Etna decrits par M. Elie de Beaumont[49], et qui sont bordes par des bandes alternantes de roches scoriacee et compacte, on est conduit a supposer que l'etirement des couches environnantes qui a provoque la formation des fissures s'est continue pendant que la roche injectee demeurait fluide. Cependant, si on se laisse guider par la description si lucide donnee par le professeur Forbes[50] de la structure zonaire de la glace des glaciers, on arrive a admettre que l'interpretation la plus vraisemblable de la structure lamellaire de ces roches feldspathiques doit etre cherchee dans l'etirement qu'elles ont subi lorsqu'elles s'ecoulaient lentement suivant la pente alors qu'elles etaient encore a l'etat pateux[51], exactement comme la glace des glaciers en mouvement s'etend et se fissure. Dans les deux cas on peut comparer les zones a celles des plus fines agates; elles s'etendent toujours dans la direction suivant laquelle la masse a coule, et celles qui sont visibles a la surface sont generalement verticales. Dans la glace les lames poreuses sont rendues distinctes par la congelation subsequente d'eau infiltree, et dans les laves feldspathiques lithoides par l'intervention posterieure des actions cristalline et concretionnaire. Le fragment d'obsidienne vitreuse de la collection de M. Stokes et qui est zone de petites vacuoles, doit ressembler d'une maniere frappante a un fragment de glace zonaire si on en juge d'apres la description du professeur Forbes. Si le mode de refroidissement et la nature de la masse avaient favorise sa cristallisation, ou le concretionnement, nous aurions pu constater dans l'echantillon dont il s'agit, de belles zones paralleles differenciees par leur texture et leur composition. Dans les glaciers les zones de glace poreuse et de petites fissures paraissent dues a un commencement d'etirement provoque par le fait que les parties centrales du glacier progressent plus rapidement que les parties laterales et que le fond, dont la marche est retardee par le frottement. C'est pour cette raison que les zones deviennent horizontales dans certains glaciers d'une forme determinee, et a l'extremite inferieure de presque tous les glaciers. On pourrait se demander si les laves feldspathiques a lamelles horizontales ne nous offrent pas un cas analogue. Tous les geologues qui ont etudie des regions trachytiques sont arrives a conclure que les laves de cette serie n'ont ete qu'imparfaitement fluides. Il est evident, en outre, que les matieres qui ont eu une faible fluidite sont les seules qui puissent se fissurer et ou les differences de tension puissent provoquer la disposition zonaire, comme nous l'admettons ici. C'est peut-etre pour cette raison que les laves augitiques, qui semblent generalement avoir joui d'un haut degre de fluidite, ne sont pas[52] divisees en lames de composition et de texture differentes, comme les laves feldspathiques. En outre, dans la serie augitique, il ne parait jamais exister de tendance a l'action concretionnaire qui joue, comme nous l'avons vu, un role important dans la structure lamellaire des roches de la serie trachytique, ou qui, tout au moins, contribue a rendre cette structure apparente.

Charles Darwin

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