Elle est constituee par une base noire, compacte, facilement fusible en un globule noir, presentant des vacuoles anguleuses assez clairsemees, et criblee de grands cristaux brises d'albite[6] vitreuse dont le diametre varie de un a cinq dixiemes de pouce. Quoique cette lave semble, a premiere vue; eminemment porphyrique, elle ne peut etre consideree comme telle, car il est evident que les cristaux ont ete enveloppes, arrondis et penetres par la lave, comme des fragments de roche etrangere dans un dike de trapp. C'est ce qu'on voyait tres clairement dans certains specimens d'une lave analogue provenant de l'ile Abingdon, avec la seule difference que ses vacuoles etaient spheriques et plus nombreuses. L'albite de ces laves se trouve dans les memes conditions que la leucite du Vesuve, et que l'olivine decrite par Von Buch[7], et qui fait saillie sous forme de grands globules dans le basalte de Lanzarote. Outre l'albite, cette lave contient des grains epars d'un mineral vert, sans clivage distinct, et qui ressemble beaucoup a l'olivine[8]; mais, comme il se fond facilement en un verre vert, il appartient probablement a la famille de l'augite: cependant, a l'ile James une lave analogue contenait de l'olivine type. Je me suis procure des echantillons provenant de la surface, et d'autres preleves a 4 pieds de profondeur, mais ils n'offraient entre eux aucune difference. On pouvait constater avec evidence le haut degre de fluidite de cette lave par sa surface unie et doucement inclinee, par la subdivision du courant principal en petits ruisseaux, que de faibles inegalites du sol avaient suffi a produire, et surtout par la maniere dont ses extremites s'attenuaient et se reduisaient presque a rien en des points fort eloignes de sa source et ou elle devait avoir subi un certain degre de refroidissement. Le bord actuel de la coulee consiste en fragments incoherents, dont la dimension depasse rarement celle d'une tete d'homme. Le contraste est fort remarquable entre ce bord et les murs escarpes, hauts de plus de 20 pieds, qui limitent un grand nombre des coulees basaltiques de l'Ascension. On a cru generalement que les laves ou abondent de grands cristaux et qui renferment des vacuoles anguleuses[9] ont presente peu de fluidite, mais nous voyons qu'il en a ete tout autrement a l'ile Albemarle. Le degre de fluidite des laves ne semble pas correspondre a une difference _apparente_ dans leur composition; a l'ile Chatham certaines coulees qui contiennent beaucoup d'albite vitreuse et de l'olivine sont si rugueuses qu'on pourrai les comparer a de hautes vagues congelees, tandis que la grande coulee de l'ile Albemarle est presque aussi unie qu'un lac ride par la brise. A l'ile James une lave basaltique noire ou abondent de petits grains d'olivine offre un degre intermediaire de rugosite; sa surface est brillante, et les fragments detaches ressemblent d'une maniere fort singuliere a des plis de draperies, a des cables et a des morceaux d'ecorces d'arbres[10].

_Crateres de tuf._--A un mille environ au sud de Banks Cove on rencontre un beau cratere elliptique, profond de 500 pieds a peu pres, et de 3/4 de mille de diametre. Son fond est occupe par un lac d'eau salee, d'ou s'elevent quelques petites eminences crateriformes de tuf. Les couches inferieures sont un tuf compact presentant les caracteres d'un depot forme sous l'eau, tandis que sur la circonference entiere les couches superieures consistent en un tuf rude au toucher, friable, et dont le poids specifique est peu eleve, mais qui contient souvent des fragments de roches disposes en couches. Ce tuf superieur renferme de nombreuses spheres pisolitiques ayant a peu pres la grandeur de petites balles, et qui ne different de la matiere environnante que par une durete un peu plus grande et un grain un peu plus fin. Les couches plongent tres regulierement dans toutes les directions, sous des angles variant de 25 a 30 deg. d'apres mes mesures. La surface externe du cratere offre une pente presque identique; elle est formee de cotes legerement convexes, comme celle de la coquille d'un pecten ou d'un petoncle, qui vont en s'elargissant de l'orifice du cratere jusqu'a sa base.

Charles Darwin

All Pages of This Book