_Remarques finales sur les crateres de tuf_.--Ces crateres constituent le trait le plus frappant de la geologie de l'archipel, par la presence d'une substance resiniforme qui intervient pour une grande part dans leur composition, par leur structure, leur dimension et leur nombre. La plupart d'entre eux forment des ilots separes ou des promontoires relies aux iles principales, et ceux qui se trouvent actuellement a une petite distance de la cote, dans l'interieur des iles, sont ruines et perces de breches comme s'ils avaient ete exposes a l'action de la mer. Je suis porte a conclure de cette condition generale de leur situation et de la faible quantite de cendres rejetees dans l'archipel, que le tuf a ete forme principalement par le broyage mutuel de fragments de lave dans l'interieur de crateres en activite qui communiquaient avec la mer. Par l'origine et la composition du tuf, et par la presence frequente d'un lac central d'eau salee et de couches de sel, ces crateres representent, sur une grande echelle, les "salses" ou monticules de boue qui existent en grand nombre dans certaines regions de l'Italie et dans d'autres contrees[13]. Cependant les rapports plus intimes des crateres de cet archipel avec les phenomenes ordinaires de l'action volcanique sont mis en evidence par ces masses de basalte solidifie qui les remplissent quelquefois jusqu'au bord.

Il semble fort singulier, a premiere vue, que dans tous les crateres formes de tuf le versant meridional soit, ou bien entierement demoli et completement emporte, ou bien beaucoup moins eleve que les autres versants. J'ai visite ou pris des renseignements sur vingt-huit de ces crateres; douze d'entre eux forment des ilots separes[14] et se presentent aujourd'hui a l'etat de simples croissants entierement ouverts du cote du sud, avec, parfois, quelques pointes de rochers marquant leur circonference primitive; parmi les seize crateres restants, quelques-uns forment des promontoires, et d'autres sont situes dans l'interieur des iles, a une faible distance du rivage; mais pour tous le flanc meridional est plus bas que les autres ou completement demoli. Pourtant le flanc septentrional de deux des seize crateres etait egalement bas, tandis que les cotes de l'est et de l'ouest etaient intacts. Je n'ai rencontre ni entendu mentionner aucune exception a la regle d'apres laquelle ces crateres sont ruines ou presentent une paroi basse sur le cote qui fait face a un point de l'horizon situe entre le sud-est et le sud-ouest. Cette regle ne s'applique pas aux crateres formes de lave et de scories. L'explication en est simple: dans cet archipel la direction des vagues soulevees par les vents alizes coincide avec celle de la houle venant des regions eloignees de l'ocean largement ouvert (contrairement a ce qui se passe dans plusieurs parties du Pacifique) et attaquent la cote meridionale de toutes les iles, avec leurs forces reunies; il en resulte que le versant meridional est invariablement plus escarpe que le versant septentrional, meme quand il est forme completement de roches basaltiques dures. Comme les crateres de tuf sont constitues par une matiere tendre, et que probablement ils ont tous ou presque tous traverse une periode d'immersion, il n'est pas etonnant qu'ils montrent invariablement les effets de cette grande puissance erosive sur ceux de leurs flancs qui s'y sont trouves exposes. Il est probable, d'apres l'etat ruine d'un grand nombre d'entre eux, que plusieurs autres crateres ont ete entierement demolis par la mer. Nous n'avons aucune raison de supposer que les crateres constitues par des scories et des laves ont ete formes dans la mer, et cela nous montre pourquoi la regle ne leur est pas applicable. Nous avons montre qu'a l'Ascension les orifices des crateres, qui sont tous d'origine terrestre, ont ete attaques par les vents alizes; ce meme agent peut contribuer egalement ici a abaisser, des le moment de leur formation, les flancs exposes au vent dans certains de ces crateres.

_Composition mineralogique des roches_.--Dans les iles septentrionales, les laves basaltiques paraissent generalement contenir plus d'albite que dans la moitie meridionale de l'archipel; mais presque toutes les coulees en renferment une quantite plus ou moins grande.

Charles Darwin

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