Je citerai comme exemples les lignes d'intersection aux archipels des Galapagos et du Cap Vert, et la ligne la mieux definie des iles Canaries. Si ces faits ne sont pas purement fortuits, nous voyons qu'un grand nombre d'iles volcaniques eparpillees et de petits groupes sont mis en rapport avec les continents voisins, non seulement par leur proximite, mais encore par la direction des fentes d'eruption, relation que Von Buch considere comme caracteristique pour ses grandes chaines volcaniques.

Dans les archipels volcaniques il est rare que les crateres soient en activite a la fois dans plus d'une ile, et les grandes eruptions ne se produisent d'habitude qu'a de longs intervalles. En considerant le grand nombre de crateres que chaque ile d'un groupe porte habituellement et la quantite enorme de matieres qu'ils ont emises, on est porte a attribuer une tres grande anciennete a ces groupes, meme a ceux dont l'origine parait relativement recente, comme l'archipel des Galapagos. Cette conclusion concorde avec l'erosion prodigieuse que l'action lente de la mer doit avoir fait subir a leurs cotes, primitivement inclinees en pente douce et qui ont du, si souvent, reculer en se transformant en hautes falaises. Nous ne devons pas croire, cependant, que la masse entiere des matieres qui forment une ile volcanique ait ete toujours emise au niveau qu'elle occupe actuellement; le grand nombre de dikes qui semblent invariablement sillonner l'interieur de tout volcan prouve, d'apres les principes exposes par M. Elie de Beaumont, que la masse entiere a ete soulevee et fissuree. En outre, je crois avoir demontre dans mon travail sur les recifs coralliens, qu'il existe un rapport entre les eruptions volcaniques et les soulevements contemporains s'operant en masse[16] et qui est atteste tant par la presence frequente de debris organiques souleves que par la structure des recifs coralliens etablis sur les roches volcaniques. Je dois faire observer enfin que des eruptions se sont produites dans un meme archipel, depuis le commencement des temps historiques, sur plus d'une des lignes de fissure paralleles; ainsi dans l'archipel des Galapagos on a signale les eruptions d'un cratere de l'ile Narborough et d'un cratere de l'ile Albemarle, qui ne se trouvent pas sur la meme ligne; aux iles Canaries des eruptions se sont produites a Teneriffe et a Lanzarote; et aux Acores sur les trois lignes paralleles de Pico, de Saint-Georges et de Terceira. Ce fait me parait interessant si nous admettons qu'il n'existe d'autre difference essentielle entre une chaine de montagnes et un volcan que celle qui distingue une injection de roches plutoniques d'une ejaculation de matieres volcaniques, car il nous permet d'admettre comme probable que lors du soulevement des chaines de montagnes deux ou plusieurs des lignes paralleles d'une chaine puissent avoir ete soulevees et injectees pendant une meme periode geologique.

Notes:

[1] _Description des iles Canaries_, pp. 190 et 191.

[2] On a trouve que dans une masse de fer en fusion (_Edinburgh New Philosophical Journal_, vol. XXIV, p. 66) les substances dont l'affinite pour l'oxygene est plus grande que celle du fer pour ce meme gaz s'elevent de l'interieur de la masse vers la surface. Mais il est difficile d'attribuer une cause analogue a la separation des cristaux de ces coulees de lave. Le refroidissement parait avoir modifie dans certains cas la composition de la surface des laves, car Dufrenoy (_Mem. pour servir_, etc., t. IV, p. 271) a constate que les parties internes d'une coulee situee aux environs de Naples etaient formees pour les deux tiers par un mineral attaquable aux acides, tandis que la surface etait composee principalement d'un mineral inattaquable par ces reactifs.

[3] J'ai donne les poids specifiques des mineraux d'apres Von Kobell, une des autorites les plus recentes et les meilleures, et celui des roches d'apres divers auteurs. Suivant Phillips, le poids specifique de l'obsidienne est 2.35, et Jameson affirme qu'il ne depasse jamais 2.4; mais j'ai reconnu qu'il etait de 2.42 pour un specimen de l'Ascension.

Charles Darwin

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