Les observations de Darwin sur ce sujet ont ete de la plus haute valeur et du plus grand secours pour tous ceux qui se sont efforces d'etudier les effets de l'action volcanique pendant les periodes anciennes de l'histoire de la terre.
Comme Lyell, Darwin etait fermement convaincu de la continuite des actions geologiques, et c'etait toujours avec une vive satisfaction qu'il constatait que les phenomenes du passe pouvaient s'interpreter par des causes actuelles. Au moment ou Lyell se livrait, quelques mois avant sa mort, a ses derniers travaux geologiques sur les environs de sa residence dans le Forfarshire, il ecrivit a Darwin: "Toutes mes recherches ont confirme ma conviction que la seule difference entre les roches volcaniques paleozoiques et recentes se reduit aux modifications qui ont du se produire en raison de l'immense periode de temps pendant laquelle les produits des volcans les plus anciens ont ete soumis a des transformations chimiques."
Lorsqu'apres avoir acheve ses etudes sur les phenomenes volcaniques, Darwin entreprit l'examen des grandes masses granitiques des Andes, il fut vivement frappe des relations qui unissent les roches dites plutoniques et les roches d'origine incontestablement volcanique. On doit dire a ce sujet que les circonstances memes dans lesquelles se fit la croisiere du _Beagle_ furent tres favorables a Darwin dans ses etudes sur les roches eruptives. Apres avoir observe des types nettement caracterises de la serie recente, il alla etudier dans l'Amerique du Sud de remarquables gisements de masses ignees anciennes tres cristallines et, dans le voyage de retour, il put revoir les roches volcaniques recentes, raviver ainsi ses premieres impressions et etablir des relations entre ces deux types lithologiques.
Il exposa quelques-unes des considerations generales que ces observations lui avaient suggerees, dans un travail qu'il lut a la Societe Geologique le 17 mars 1838, et qui portait comme titre: _Du rapport de certains phenomenes volcaniques, de la formation des chaines de montagnes, et des effets des soulevements continentaux_. La relation entre ces deux ordres de faits est discutee d'une maniere plus approfondie dans son livre sur la geologie de l'Amerique du Sud.
Les preuves d'un soulevement recent constatees sur les cotes d'un grand nombre d'iles volcaniques amenerent Darwin a conclure qu'en general les aires volcaniques sont des regions de soulevement; et il fut conduit, naturellement, a les opposer aux aires dans lesquelles, comme il le montra, la presence d'atolls, de recifs frangeants et de recifs-barrieres, offre les preuves d'un affaissement. Il parvint de cette maniere a dresser une carte des aires oceaniques, les repartissant en zones soumises a des mouvements de soulevement ou d'affaissement. Ses conclusions a cet egard etaient aussi neuves que suggestives.
Darwin reconnut tres clairement le fait que la plupart des iles oceaniques semblent etre d'origine volcanique, quoiqu'il prit soin de signaler les exceptions importantes qui infirment, dans une certaine mesure, la generalisation de cette regle. Dans son _Origine des especes_ il a developpe l'idee et emis la theorie de la permanence des bassins oceaniques, que d'autres auteurs ont adoptee apres lui et ont etendue plus loin, pensons-nous, que Darwin n'avait cru devoir le faire. Sa prudence sur ce point et sur les questions speculatives du meme genre etait bien connue de tous ceux qui avaient l'habitude de les discuter avec lui.
Quelques annees avant le voyage du _Beagle_, M. Poulett Scrope avait signale les analogies remarquables qui existent entre certaines roches ignees a structure rubanee, telles qu'on en rencontre aux iles Ponces, et les schistes cristallins feuilletes. Il ne semble pas que Darwin ait eu connaissance du remarquable memoire de Scrope, mais il appela l'attention, d'une maniere toute spontanee, sur les memes phenomenes lorsqu'il entreprit l'etude de roches fort analogues qu'on observe a l'ile de l'Ascension. Comme il venait d'etudier les grandes masses de schistes cristallins du continent Sud-Americain, il fut frappe du fait que les roches incontestablement ignees de l'Ascension offrent une repartition identique des mineraux constitutifs, le long de "feuillets" paralleles.