Guide par ce fait, j'ai cherche a decouvrir si l'obsidienne et les spherulites (auxquels on peut ajouter la marekanite et la perlite qui se presentent toutes deux en concretions noduleuses dans les roches trachytiques) different par leur composition des mineraux qui forment generalement les roches trachytiques. Les resultats de trois analyses ont demontre que l'obsidienne contient en moyenne 76 p. 100 de silice; d'apres une analyse, les spherulites en contiennent 79,12 p. 100; la marekanite 79,25 p. 100 (deux analyses) et la perlite 75,62 p. 100 (deux analyses)[25]. Or, pour autant qu'on puisse les determiner, les elements du trachyte sont le feldspath contenant 65,21 p. 100 de silice, ou l'albite, qui en contient 69,09 p. 100, la hornblende, qui en renferme 55,27 p. 100[26], et l'oxyde de fer; de sorte que les substances vitreuses concretionnees que nous avons mentionnees plus haut contiennent toutes une proportion de silice superieure a celle qui existe ordinairement dans les roches feldspathiques ou trachytiques. D'Aubuisson[27] a fait remarquer aussi combien la teneur en silice est forte relativement a celle de l'alumine dans six analyses d'obsidienne et de perlite donnees dans la _Mineralogie_ de Brongniart. De tous ces faits je conclus que les concretions susdites ont ete formees par un procede d'agregation identique a celui dont on constate l'action dans les depots sedimentaires. Ce procede agit principalement sur la silice, mais il exerce aussi son action sur une partie des autres elements de la masse environnante, et produit ainsi les diverses varietes concretionnees. En considerant l'influence bien connue du refroidissement rapide[28] sur la production de la texture vitreuse, il parait necessaire d'admettre que, dans des cas semblables a celui de l'Ascension, la masse entiere a du se refroidir uniformement, mais en tenant compte des alternances multiples et compliquees de nodules et de couches minces a texture vitreuse avec d'autres couches entierement pierreuses ou cristallines, sur un espace de quelques pieds ou meme de quelques pouces, il est possible, a la rigueur, que les diverses parties se soient refroidies avec des rapidites differentes, et qu'elles aient acquis ainsi leurs textures variees.

Les spherulites naturelles de ces roches[29] ressemblent beaucoup a celles qui se produisent dans le verre lorsqu'il se refroidit lentement. Dans de beaux echantillons de verre partiellement devitrifie appartenant a M. Stokes, on voit les spherulites reunies en couches rectilignes a faces planes, paralleles les unes aux autres et a l'une des surfaces exterieures, absolument comme dans l'obsidienne. Ces couches se ramifient parfois et s'anastomosent; mais je n'ai constate aucun cas de veritable intersection. Elles forment le passage des parties parfaitement vitreuses a celles qui sont presque entierement homogenes et pierreuses, et qui ne presentent qu'une structure concretionnee peu nette. Dans les memes echantillons, on observe aussi des spherulites engagees dans la masse et tres rapprochees les unes des autres, elles sont faiblement differenciees par leur structure et leur couleur. En presence de ces faits, les idees que nous avons exposees plus haut sur l'origine concretionnaire de l'obsidienne et des spherulites naturelles trouvent une confirmation dans l'interessante notice que M. Dartigues[30] a publiee sur ce sujet et ou il attribue la production des spherulites dans le verre a ce que les divers elements s'agregent en obeissant chacun a son propre mode d'attraction. Il est amene a cette conclusion en observant la difficulte qu'on eprouve a refondre du verre spherulitique sans avoir au prealable pile soigneusement et melange toute la masse, et en considerant aussi le fait que la transformation s'opere le plus facilement dans du verre compose d'un grand nombre de substances. En confirmation des idees de M. Dartigues, je ferai remarquer que M. Fleuriau de Bellevue[31] a constate que les parties spherulitiques du verre devitrifie se comportent autrement sous l'action de l'acide nitrique et au chalumeau que la pate compacte dans laquelle elles etaient engagees.

Charles Darwin

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