Von Buch fait observer[13] qu'on ne le rencontre pas dans les cavites du sol, mais uniquement sur les flancs continus et inclines de la montagne. Il croit que ce calcaire a ete depose par les embruns que ces vents violents portent au-dessus de l'ile tout entiere. Il me parait cependant beaucoup plus vraisemblable que cette roche a ete formee, comme a Sainte-Helene, par l'infiltration de l'eau dans des amas de coquilles finement concassees; car lorsque le sable est transporte par le vent sur une cote tres exposee, il tend toujours a s'accumuler sur des surfaces larges et unies offrant aux vents une resistance uniforme. En outre, a l'ile voisine de Fuerteventura[14], il existe un calcaire terreux qui, d'apres von Buch, est entierement semblable aux specimens provenant de Sainte-Helene qu'il a vus, et qu'il croit formes par le transport de debris de coquilles sous l'action du vent.

Dans la carriere de Sugar-Loaf Hill, dont j'ai parle plus haut, les bancs superieurs de calcaire sont plus tendres, moins purs, et ont le grain plus fin que les bancs inferieurs. Les coquilles terrestres y abondent et quelques-unes sont intactes; ces bancs renferment aussi des ossements d'oiseaux et de grands oeufs[15] qui proviennent, selon toute probabilite, d'oiseaux aquatiques. Il est vraisemblable que ces couches superieures sont restees longtemps a l'etat meuble, et que c'est durant cette periode que les produits terrestres y ont ete renfermes. M. G.-R. Sowerby a bien voulu examiner trois especes de coquilles terrestres, provenant de ces bancs, que je lui ai remises. La description qu'il en a faite se trouve a l'Appendice. L'une de ces coquilles est une Succinee, identique a une espece actuellement vivante et qui abonde dans l'ile; les deux autres, notamment _Cochlogena fossilis_ et _Helix biplicata_, ne sont pas connues comme organismes actuels; la derniere de ces especes a ete trouvee aussi dans une autre localite fort differente, ou elle est associee a une espece incontestablement eteinte du genre Cochlogena.

_Lits de coquilles terrestres eteintes_.--En diverses parties de l'ile, on trouve, enfouies dans la terre, des coquilles terrestres qui paraissent appartenir toutes a des especes eteintes. La plupart d'entre elles ont ete trouvees sur Flagstaff-Hill, a une altitude considerable. Sur le versant nord-ouest de cette colline, un ravin creuse par la pluie a mis a decouvert une coupe d'environ 20 pieds de puissance, dont la partie superieure consiste en terre vegetale noire, evidemment amenee des parties plus elevees de la colline par l'eau des pluies, et la partie inferieure en terre moins noire, ou abondent des coquilles jeunes et vieilles entieres ou brisees. Cette terre est faiblement consolidee en certains points par une matiere calcareuse provenant probablement de la decomposition partielle d'une certaine quantite des coquilles. M. Seale, l'intelligent resident de Sainte-Helene, qui a, le premier, appele l'attention sur ces coquilles, m'en a donne une collection nombreuse provenant d'une autre localite, ou elles semblent avoir ete enfouies dans une terre fort noire. M. G.-R. Sowerby a etudie ces coquilles et les a decrites dans l'Appendice. Il y en a sept especes, notamment une Cochlogena, deux especes du genre Cochlicopa, et quatre du genre Helix; aucune de ces especes n'est connue comme vivante et n'a ete trouvee ailleurs que la. De petites especes ont ete retirees de l'interieur des grandes coquilles de _Cochlogena auris-vulpina_. Cette derniere espece est fort singuliere a divers egards. Lamarck lui-meme l'a classee dans un genre marin, elle a ete prise ainsi erronement pour une coquille marine, et les especes plus petites qui l'accompagnent ayant passe inapercues, on a mesure l'altitude des endroits exactement determines ou elle a ete trouvee, et on a conclu ainsi au soulevement de l'ile! Il est bien remarquable que toutes les coquilles de cette espece que j'ai trouvees en un meme endroit forment, d'apres M. Sowerby, une variete distincte de celle a laquelle appartiennent les coquilles provenant d'une autre localite et recueillies par M.

Charles Darwin

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