INTRODUCTION

Pendant les dix annees qui suivirent son retour en Angleterre, apres son voyage autour du Monde, Darwin se consacra surtout a la preparation de la serie d'ouvrages qui furent publies sous le titre general de _Geologie du Voyage du Beagle_. Le second volume de la serie comprend les _Observations geologiques sur les iles volcaniques, et les notes sur la geologie de l'Australie et du Cap de Bonne-Esperance_, il parut en 1844. Les materiaux de ce volume ont ete reunis en partie au commencement du voyage, lorsque le Beagle fit escale a San Thiago dans l'archipel du Cap-Vert, aux Rochers de Saint-Paul et a Fernando Noronha; mais surtout durant la croisiere de retour; c'est alors que Darwin etudia les iles Galapagos, qu'il traversa l'archipel des iles Pomotou et visita Tahiti. Apres avoir touche a la Baie des Iles dans la Nouvelle-Zelande, ainsi qu'a Sydney, a Hobart-Town et a King George's Sound en Australie, le _Beagle_, traversant l'Ocean Indien, fit voile vers le petit groupe des iles Keeling ou Cocos, celebre par les observations qu'y a faites Darwin, et se dirigea ensuite vers l'ile Maurice. Apres une escale au Cap de Bonne-Esperance, le navire arriva successivement a Sainte-Helene et a l'Ascension, et visita une seconde fois les iles du Cap-Vert avant de rentrer en Angleterre.

Le voyage pendant lequel Darwin eut l'occasion d'etudier tant de centres volcaniques interessants, lui reservait au debut une amere deception. Durant la derniere annee de son sejour a Cambridge il avait lu le _Personal Narrative_ de Humboldt et en avait extrait de longs passages relatifs a Teneriffe. Il avait recueilli un ensemble de renseignements en vue d'une exploration de cette ile, lorsqu'on lui proposa d'accompagner le capitaine Fitzroy a bord du _Beagle_. Son ami Henslow lui avait conseille, en le quittant, de se procurer le premier volume des _Principes de Geologie_ qui venait de paraitre, tout en le premunissant contre les idees de l'auteur de cet ouvrage. Au commencement du voyage, Darwin, accable par un violent mal de mer qui le confinait dans sa cabine, consacrait tous les instants de repit que lui laissait la maladie a etudier Humboldt et Lyell. On se figure sa deception, quand, au moment ou le navire atteignait Santa-Cruz et ou le Pic de Teneriffe apparaissait au milieu des nuages, on recut la nouvelle que le cholera regnait dans l'ile et empechait tout debarquement.

Une ample compensation lui etait reservee, cependant, quand le _Beagle_ arriva a Porto-Praya dans l'ile de San Thiago, la plus grande de l'archipel du Cap-Vert. Darwin y passa trois semaines dans des conditions favorables et c'est la qu'il commenca, a proprement parler, son oeuvre de geologue et de naturaliste. "Faire de la geologie dans une contree volcanique, ecrit-il a son pere, est chose charmante; outre l'interet qui s'attache a cette etude en elle-meme, elle vous conduit dans les sites les plus beaux et les plus solitaires. Un amateur passionne d'histoire naturelle peut seul se representer le plaisir qu'on eprouve a errer parmi les cocotiers, les bananiers, les cafeiers et d'innombrables fleurs sauvages. Et cette ile, qui a ete pour moi si instructive et m'a prodigue tant de jouissances, est cependant l'endroit le moins interessant, peut-etre, de tous ceux que nous explorerons pendant notre voyage. Certes, elle est, en general, assez sterile, mais le contraste meme fait apparaitre les vallees admirablement belles. Il serait inutile de tenter la description de ce tableau; aussi facile serait-il d'expliquer a un aveugle ce que sont les couleurs, que de faire comprendre a quiconque n'a jamais quitte l'Europe la difference frappante qui existe entre les paysages tropicaux et ceux de nos contrees. Chaque fois qu'une chose attire mon attention admirative, je la note soit dans mon journal (dont le volume augmente), soit dans mes lettres; excusez mon enthousiasme mal traduit par des mots. Je constate que mes echantillons s'accroissent en nombre d'une maniere etonnante, et je crois que je serai oblige d'en expedier, de Rio, une collection en Angleterre."

Un passage remarquable de l'_Autobiographie_, ecrite par Darwin en 1876, temoigne de l'impression ineffacable que lui laissa cette premiere visite a une ile volcanique.

Charles Darwin

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