A son retour en Angleterre, apres avoir revu sa famille et ses amis, le premier soin de Darwin fut de commencer l'etude de ces materiaux. Vers la fin de 1836, il alla se fixer, pendant trois mois, dans un appartement de Fitzwilliam street a Cambridge: il se rapprochait ainsi d'Henslow et pouvait se livrer a l'examen des roches et des mineraux qu'il avait reunis. Il fut puissamment seconde dans cette etude par le professeur William Hallows Miller, l'eminent cristallographe et mineralogiste.
Darwin ne commenca reellement a ecrire son livre sur les iles volcaniques qu'en 1843, apres s'etre etabli dans la maison qu'il habita le reste de sa vie, sa celebre residence de Down dans le Kent. Dans une lettre du 28 mars 1843 a son ami M. Fox, il dit: "J'avance tres lentement dans la redaction d'un livre, ou plutot d'une brochure sur les iles volcaniques que nous avons explorees; je n'y consacre qu'une couple d'heures chaque jour, et encore d'une maniere assez peu reguliere. C'est une besogne ingrate que d'ecrire des livres dont la publication coute de l'argent et que personne ne lit, pas meme les geologues."
Cette etude occupa Darwin pendant toute l'annee 1843, et le livre fut publie au printemps de l'annee suivante. D'apres une note de son journal, le temps reellement consacre a la preparation de cet ouvrage s'etendit de l'ete de 1842 jusqu'en janvier 1844. Lorsqu'il fut acheve, Darwin ne parut nullement satisfait du resultat obtenu. Il ecrivait a Lyell: "Vous m'avez fait un grand plaisir en disant que vous aviez l'intention de parcourir mes _Iles volcaniques_; ce livre m'a coute dix-huit mois de travail! Et a ma connaissance, rares sont les gens qui l'ont lu. Je sens cependant que le peu que renferme cet ouvrage, et c'est peu de chose en effet, aura son utilite en confirmant des hypotheses anciennes ou nouvelles, et que mon travail ne sera pas perdu." Il ecrivait a Sir Joseph Hooker: "Je viens de terminer un petit volume sur les iles volcaniques que nous avons explorees. J'ignore jusqu'a quel point la geologie pure et simple vous interesse, mais j'espere que vous m'autoriserez a vous envoyer un exemplaire de mon ouvrage."
Tout geologue sait combien ce livre de Darwin sur les iles volcaniques est interessant et suggestif. La satisfaction mediocre qu'il semble inspirer a son auteur doit etre probablement attribuee au contraste que Darwin sentait exister entre le souvenir des vives jouissances qu'il eprouvait lorsque, le marteau a la main, il errait dans des contrees nouvelles et interessantes, et la tache lente, laborieuse et moins conforme a ses gouts que lui imposaient la transcription et l'arrangement de ses notes sous forme de livre.
Lorsqu'en 1874 je decrivais les anciens volcans des iles Hebrides, j'eus frequemment l'occasion de rappeler les observations de M. Darwin sur les volcans de l'Atlantique, pour expliquer les faits que nous montrent, dans nos propres iles, les restes de volcans anciens. Darwin, ecrivant a son fidele ami Sir Charles Lyell au sujet de mon travail, lui dit: "J'ai eprouve une satisfaction bien vive en voyant citer mon livre sur les volcans, je le croyais mort et oublie."
Deux ans plus tard, en 1876, on proposa a Darwin de publier une nouvelle edition des _Observations sur les iles volcaniques et sur l'Amerique du Sud_. Il hesita d'abord, car il lui semblait que ces ouvrages n'offraient plus actuellement qu'un interet mediocre; il me consulta sur ce point au cours d'une des conversations que nous avions souvent ensemble a cette epoque, et j'insistai fortement aupres de lui pour la reedition de ces livres. J'eprouvai une vive satisfaction lorsque, se rendant a mes instances, il consentit a ce qu'ils fussent publies sans aucune modification du texte. Il ecrit dans la preface de cette nouvelle edition: "Par suite des progres recents de la geologie, mes idees sur quelques points pourront paraitre un peu vieillies, mais j'ai cru preferable de les laisser telles qu'elles ont ete publiees originairement."
Peut-etre ne sera-t-il pas sans interet d'indiquer brievement les principaux problemes geologiques sur lesquels le livre de Darwin _les Iles volcaniques_ a jete une nouvelle et vive lumiere.