Ces caracteres m'ont conduit naturellement a croire que cette matiere etait un produit de decomposition d'un pyroxene faiblement colore; cette maniere de voir est appuyee par le fait que la roche non alteree se montre pleine de grands cristaux isoles d'augite noire, ainsi que de spheres et de trainees d'une roche augitique gris fonce. Le basalte etant ordinairement forme d'augite et d'olivine souvent alteree et de couleur rouge sombre, je fus amene a examiner les phases de decomposition de ce dernier mineral, et je m'apercus avec etonnement que je pouvais suivre une gradation presque parfaite entre l'olivine inalteree et la wacke verte. Dans certains cas, des fragments provenant d'un meme grain se comportaient au chalumeau comme de l'olivine, a part un leger changement de couleur, ou donnaient un globule magnetique noir. Je ne puis donc douter que la wacke verdatre n'etait a l'origine autre chose que de l'olivine, et que des modifications chimiques tres profondes aient du se produire au cours de la decomposition pour avoir pu transformer un mineral tres dur, transparent, infusible, en une substance argileuse, tendre, onctueuse et facilement fusible[6].

Les couches de la base de ces collines, ainsi que quelques monticules isoles, denudes et de forme arrondie, sont constitues par des roches feldspathiques ferrugineuses compactes, finement grenues, non cristallines (ou dont la nature cristalline est a peine perceptible); ces roches sont generalement a demi decomposees. Leur cassure est extremement irreguliere et esquilleuse, et meme les petits fragments sont souvent tres resistants. Elles renferment une forte proportion de matiere ferrugineuse, soit en petits grains a eclat metallique, soit en fibres capillaires brunes; en ce dernier cas, la roche prend une structure pseudo-brechiforme. Ces roches renferment parfois du mica et des veines d'agate. Leur couleur brun de rouille ou jaunatre est due partiellement aux oxydes de fer, mais surtout a d'innombrables taches microscopiques noires, qui fondent facilement lorsqu'on chauffe un fragment de roche, et sont evidemment formees de hornblende ou d'augite. Ces roches contiennent donc tous les elements essentiels du trachyte, quoiqu'elles offrent, a premiere vue, l'aspect d'argile cuite ou de quelque depot sedimentaire modifie. Elles ne different du trachyte que parce qu'elles ne sont pas rudes au toucher et qu'elles ne renferment pas de cristaux de feldspath vitreux. Ainsi que le cas s'en presente si souvent pour les formations trachytiques, on ne voit ici aucune trace de stratification. On croirait difficilement que ces roches ont pu couler a l'etat de laves; il existe pourtant a Sainte-Helene des coulees bien caracterisees, dont la composition est presque identique a celle de ces roches, ainsi que je le montrerai dans un autre chapitre. J'ai rencontre en trois endroits, parmi les monticules constitues par ces roches, des collines coniques, a pentes douces, formees de phonolite contenant de nombreux cristaux de feldspath vitreux bien formes, et des aiguilles de hornblende. Je crois que ces cones de phonolite ont le meme rapport avec les couches feldspathiques environnantes, que certaines masses d'une roche augitique grossierement cristallisee ont avec le basalte qui les entoure, dans une autre partie de l'ile, c'est-a-dire que dans les deux cas ces roches ont ete injectees. Les roches de nature feldspathique etant plus anciennes que les nappes basaltiques qui les recouvrent et que les coulees basaltiques de la plaine cotiere, obeissent a l'ordre de succession habituel de ces deux grandes divisions de la serie volcanique.

Ce n'est qu'a la partie superieure des couches de la plupart de ces collines qu'on peut distinguer les plans de separation; les couches s'inclinent faiblement du centre de l'ile vers la cote. L'inclinaison n'est pas identique dans toutes les collines; elle est plus faible dans la colline marquee A que dans les collines B, D ou E; les couches de la colline C s'ecartent a peine d'un plan horizontal; et celles de la colline F (pour autant que j'ai pu en juger sans la gravir) sont faiblement inclinees en sens inverse, c'est-a-dire vers l'interieur et vers le centre de l'ile.

Charles Darwin

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