Chacune des trois iles a ete soulevee en masse. A l'ile Maurice la mer doit avoir baigne le pied des montagnes basaltiques, a une periode geologique eloignee, ainsi qu'elle le fait actuellement a Sainte-Helene; a San Thiago la mer attaque aujourd'hui la plaine qui s'etend entre ces montagnes. Dans les trois iles, mais specialement a San Thiago et a Maurice, l'observateur, place au sommet d'une des anciennes montagnes basaltiques, cherche en vain a decouvrir au centre de l'ile (point vers lequel convergent approximativement les strates placees sous ses pieds et sous les montagnes situees a sa droite et a sa gauche), une source d'ou ces coulees auraient pu etre emises; mais il n'apercoit qu'un vaste plateau concave s'etendant au-dessous de lui, ou des monceaux de matieres d'origine plus recente.
Je pense que ces montagnes basaltiques doivent etre classees avec les crateres de soulevement; il importe peu que les enceintes aient ete ou non completes autrefois, car les segments qui en subsistent aujourd'hui ont une structure si uniforme que, s'ils ne constituent pas des fragments de veritables crateres, on ne peut pas les classer parmi les lignes de soulevement ordinaires. En considerant leur origine, et apres avoir lu les ouvrages de M. Lyell[19] et de MM. C. Prevost et Virlet, je ne puis croire que les grandes depressions centrales aient ete formees par un soulevement en forme de dome, provoquant le cintrage des couches. D'un autre cote il m'est bien difficile d'admettre que ces montagnes basaltiques ne soient que de simples fragments du pied de grands volcans dont le sommet aurait ete enleve par explosion, ou plus vraisemblablement englouti par affaissement. Ces enceintes ont parfois des dimensions tellement colossales, comme a San Thiago et a Maurice, et on les rencontre si souvent, que je puis difficilement me resoudre a adopter cette explication. En outre, la simultaneite frequente des faits que je vais enumerer me porte a croire qu'ils ont, en quelque sorte, un rapport commun que n'implique ni l'une ni l'autre des theories rappelees plus haut: en premier lieu, l'etat ruine de l'enceinte qui demontre que les parties actuellement isolees ont ete soumises a une denudation puissante, et tend peut-etre, en certains cas, a demontrer que l'enceinte n'a probablement jamais ete fermee; en second lieu, la grande quantite de matiere ejaculee par la partie centrale de l'ile apres la formation de l'enceinte ou pendant la duree de cette formation; et en troisieme lieu, le soulevement de l'ile en masse. Quant au fait que l'inclinaison des couches est superieure a celle que devraient offrir naturellement les fragments de la base de volcans ordinaires, j'admets volontiers que cette inclinaison a pu augmenter lentement par le soulevement dont les nombreuses fissures comblees ou dikes donnent a la fois la preuve et la mesure, d'apres M. Elie de Beaumont; theorie aussi neuve qu'importante que nous devons aux recherches de ce geologue a l'Etna.
Convaincu, comme je l'etais alors, par les phenomenes observes en 1835 dans l'Amerique du Sud[20], que les forces qui produisent l'ejaculation des matieres par les orifices volcaniques sont identiques a celles qui soulevent l'ensemble des continents, une hypothese, embrassant les faits que je viens de citer, se presenta a mon esprit quand j'etudiai la partie de la cote de San Thiago ou la couche calcaire soulevee horizontalement plonge dans la mer, immediatement sous un cone de lave d'eruption posterieure. Cette hypothese consiste a admettre que, pendant le soulevement lent d'une contree ou d'une ile volcanique, au centre de laquelle un ou plusieurs orifices restent ouverts, neutralisant ainsi les forces souterraines, la peripherie est soulevee plus fortement que la partie centrale; et que les parties ainsi surelevees ne s'abaissent pas en pente douce vers la region centrale moins elevee [comme le fait la couche calcaire sous le cone a San Thiago, et comme une grande partie de la circonference de l'Islande[21]; mais qu'elles en sont separees par des failles courbes.